Mes illusions donnent sur la cour Des horizons j´en ai pas lourd Quand j´ai bossé toute la journée Il m´reste plus pour rêver Qu´les fleurs horribles de ma chambre
Mes illusions donnent sur la cour J´ai mis une croix sur mes amours Les p´tites pépés pour les toucher Faut d´abord les allonger Sinon c´est froid comme en décembre
Quand le soir venu j´m´en reviens du chantier Après mille peines et le corps harassé J´ai le regard morne et les mains dégueulasses D´quoi inciter les belles à faire la grimace Bien sûr y´a les filles de joie sur le retour Celles qui mâchent le chewing-gum pendant l´amour Mais que trouverais-je dans leur coeur meurtri Sinon qu´indifférence et mélancolie Dans mes frusques couleur de muraille Je joue les épouvantails
Mais nom de Dieu dans mon âme Brûlait pourtant cette flamme Où s´éclairaient mes amours Et mes brèves fiançailles Comme autant de feux de paille Aujour´hui je fais mon chemin solitaire Toutes mes ambitions se sont faites la paire J´me suis laissé envahir par les orties Par les ronces de cette chienne de vie
Mes illusions donnent sur la cour Mais dans les troquets du faubourg J´ai des ardoises de rêveries Et le sens d´ironie J´me laisse aller à la tendresse
J´oublie ma chambre au fond d´la cour
Le train de banlieue au petit jour Et dans les vapeurs de l´alcool J´vois mes châteaux espagnols Mes haras et toutes mes duchesses
A moi les p´tites pépés les poupées jolies Laissez venir à moi les petites souris Je claque tout ce que je veux au baccara Je tape sur le ventre des Maharajas A moi les boîtes de nuit sud-américaines Où l´on danse la tête vide et les mains pleines A moi ces mignonnes au regard qui chavire Qu´il faut agiter avant de s´en servir Dans mes pieds-de-poule mes prince-de-galles En douce j´me rince la dalle
Et nom de Dieu dans mon âme V´là qu´j´ ressens cette flamme
Où s´éclairaient mes amours Et mes brèves fiançailles Où se consumaient mes amours Comme autant de feux de paille Et quand les troquets ont éteint leurs néons Qu´il n´reste plus un abreuvoir à l´horizon Ainsi j´me laisse bercer par le calva Et le dieu des ivrognes guide mes pas