À chaque son de cloche, une feuille s´envole Un arbre tend ses bras tordus vers le soleil À chaque son de cloche on a mal dans les nerfs On dirait que l´on cloue un cercueil de bois vert On dirait que le bon Dieu s´amuse
À chaque son de cloche Que le bon Dieu s´amuse avec l´enfer
À chaque son de cloche, on entend sourdement La neige se former au-dessus des étangs Les marées d´équinoxe exalter l´océan Comme si les noyés étaient encore vivants Les insectes se meurent et les oiseaux s´en vont Les trompettes se taisent, arrivent les violons
À chaque son de cloche, on voit des processions De communiants tout noirs qui descendent du ciel Avec des ostensoirs en guise de flambeaux Et des visages blancs, comme s´ils étaient nés D´une mère mourante et d´un père Pierrot
À chaque son de cloche, on entend des soldats marcher
Au pas des cloches, pieds nus sur le verglas Rêvant de café chaud à l´abri des combats À chaque son de cloche, un vieillard sent son cœur Battre au rythme des cloches et peu à peu le son des cloches S´effiloche et s´étire en rumeur
Et les arbres tout nus comme les déportés Le matin à l´appel supplient en vain le ciel Et nos yeux se dessillent à la vue des statues Les cloches se sont tues Mais mollement dans l´air leur souvenir balance Leur souvenir balance Dessinant sur la terre une ombre de pendu Une ombre de silence