Dans un demi-mètre carré Sous une pomme et le Figaro Deux ou trois uniformes, un Thermos de café Dort sur une étagère une vie de porte-manteau Pour les beaux yeux de Picasso
C´est pas signé, c´est pas sous verre Ça porte pas la mention "fragile" Et pourtant, regardez, ce bazar de grand-mère Où l´ennui comme un rat a élu domicile Parle autant qu´la peinture à l´huile
C´est fou ce qu´on trouve dans un vestiaire D´une gardienne de musée Faudrait qu´on songe Ce serait une idée du tonnerre A faire payer l´entrée
Pour visiter ce vide-poches Ces bonbons qu´on suce sans fin Les coupures de journaux, les miettes de brioche Les filets de patience tricotés à la main Et ces "je partirai demain"
Et si on mettait en vitrine Ces solutions de mots croisés Tout ce temps fondu comme un cachet d´aspirine Et là, juste en dessous d´un cadre fatigué On écrirait "ne pas toucher" C´est fou ce qu´on trouve dans un vestiaire D´une gardienne de musée Faudrait qu´on songe et ça serait sûrement une affaire A faire payer l´entrée
Dans cette petite armoire sans fond Où palpite un coeur empaillé Si César compilait ces revues, ces chiffons On ferait de l´art moderne un concept branché Avec ce fatras empilé
Bien sûr elle voudrait s´en aller Mais dehors le monde lui fait peur Avec tous ces touristes, pas besoin de voyager C´est la tour de Babel, ça lui donne mal au coeur Ici on est déjà ailleurs
Elle a mis sa vie au vestiaire Sur un cintre pour ne pas la froisser Qui pourrait soupçonner qu´entre deux étagères Dorment vingt-cinq années D´une gardienne de musée ?