Dans la ferme blottie parmi les sapinières L´odeur de soupe aux choux flotte quand la nuit vient La lourde table avec cette nappe de lin Porte ces huit couverts faits d´argile grossière
Sur elle on s´est servi à même la marmite Sur elle on a langé d´innombrables enfants Sur elle on a salé les jambons et souvent On a placé le crucifix et l´eau bénite
Sur elle on a joué de temps en temps aux cartes Sur elle on a compté parcimonieusement Les sorties de l´argent, les rentrées de l´argent Ou écrit aux soldats de maladroites cartes
Cette table coupée un jour à coups de hache Dans un chêne voisin que la foudre abattit Est le centre formel de toute cette vie Depuis ces deux cents ans elle en est le panache
Autour d´elle on a fait des projets et des rêves
Assis au banc de bois en buvant le café Dans les bols aux dessins de couleurs chamarrées Sur elle ont été faits les devoirs des élèves
Sur elle on a posé les larges boules rondes De pain de seigle avant de les entrer au four Sur elle ont été dits de discrets mots d´amour Puis le temps a passé et se poursuit la ronde
Dans la ferme blottie parmi les sapinières Sur la table de chêne usée par tant de mains Deux siècles ont passé qui attendent demain Sous les yeux du destin, noyés dans sa lumière