- "Pardon, Monsieur le Métayer, Si, de nuit, je dérange, Mais je voudrais bien sommeiller Au fond de votre grange ! - Mon pauvre ami, la grange est pleine
Du blé de la moisson. Donne-toi donc plutôt la peine D´entrer dans ma maison !
- "Mon bon Monsieur, je suis trop gueux : Qué gâchis vous ferais-je ! Je suis pied-nus, sale et boueux ! Et tout couvert de neige ! - Mon pauvre ami, quitte bien vite Tes hardes en lambeaux, Pouille-moi ce tricot, de suite, Chausse-moi ces sabots !"
- "De tant marcher à l´abandon J´ai la gorge bien sèche : Mon bon Monsieur, baillez-moi donc Un grand verre d´eau fraîche ! - L´eau ne vaut rien lorsque l´on tremble
Le cidre... guère mieux. Mon bon ami, trinquons ensemble, Goûte-moi ce vin vieux !"
- "Mon bon Monsieur, on ne m´a rien Jeté, le long des routes. Je voudrais avec votre chien Partager deux, trois croûtes ! - Si, depuis ce matin, tu rôdes, Tu dois être affamé. Voici du pain, des crêpes chaudes, Voici du lard fumé !"
- Chassez du coin de votre feu Ce rôdeur qui n´en bouge : Êtes-vous "Blanc" ? êtes-vous "Bleu" ? Moi, je suis plutôt "Rouge" ! - Qu´importe ces mots : République,
Commune ou Royauté : Ne mêlons pas la Politique Avec la Charité !"
Puis le Métayer s´endormit, La minuit étant proche... Alors, le vagabond sortit Son couteau de sa poche L´ouvrit, le fit luire à la flamme, Puis, se dressant soudain, Il planta la terrible lame Dans... la miche de Pain !
Au matin-jour, le gueux s´en fut, Sans vouloir rien entendre, Oubliant son couteau pointu Au milieu du pain tendre...
Vous dormirez en paix, ô Riches ! Vous et vos Capitaux, Lorsque les gueux auront des miches Où planter leurs couteaux !!!