Gentil lecteur, vide ton verre un peu Et lis encor cette dernière page. J´ai vu briller le front vermeil du Dieu Aux flèches d´or, que nul en vain n´outrage; Fou de splendeur, j´ai suivi ce mirage,
Et c´est pourquoi je te donne ceci. Vois, ce n´est pas le fait d´un coeur transi, Car en ce temps de fous et de malades, Grâce à la Muse, et je lui dis merci, J´ai composé mes trente-six ballades.
D´autres chanteurs, épris du même jeu, Vers l´âpre cime où s´éveille l´orage Ont comme moi, sous les éclairs de feu, Cherché longtemps avec un grand courage Ces diamants inconnus à notre âge. Clément Marot, puis La Fontaine aussi, Après Villon, s´en mêlèrent ainsi; Mais plus heureux que ces fiers Encelades Ou qu´un mineur qui trouve le Sancy, J´ai composé mes trente-six ballades.
Folâtrement, comme j´en ai fait voeu,
Pour ton plaisir j´ai fini cet ouvrage. Avec ta mie errant sous le ciel bleu, Emporte-le dans la forêt sauvage Où l´herbe pousse, et lisez sous l´ombrage. Au fond du bois par le soir obscurci, Le rossignol tremblant donne le si De Tamberlick dans toutes ses roulades; Mais, tu l´entends, moi je leur donne aussi, J´ai composé mes trente-six ballades.
Envoi.
Ami lecteur, qui seul fais mon souci, Ne va point dire: Il n´a pas réussi Même à gravir par maintes escalades Le double mont; je te répondrais: Si, J´ai composé mes trente-six ballades.