💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃
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Titre : Bêtes
Hier, comme il est essentiel
De fuir les foules turbulentes,
Pour contempler un peu de ciel
Je flânais au Jardin des Plantes.
J´oubliais tout, les biens, les maux,
La science trop incertaine,
Et je vis tous les animaux
Qu´a chantés le bon La Fontaine.
Comme le Soleil en courroux
Qui s´endort sur les marécages,
Le Tigre et le grand Lion roux
Semblaient s´ennuyer dans leurs cages.
Ce temps est dur pour les Lions,
Disait le grand porte-crinière;
Il ne faut pas que nous voulions
Éviter l´injure dernière.
On ne sait plus ce que valait
Ma colère et ma vaste joie,
Et maintenant c´est un valet
Qui m´apporte un semblant de proie.
Tandis qu´un éclair triomphant
S´allumait dans les yeux de l´Aigle,
Ce héros, l´antique Éléphant
Mangeait un petit pain de seigle.
Et se dandinant avec pompe,
Ce dieu solidement bâti
Égalait par sa belle trompe
Ganéça, fils de Parvati.
Le Singe à des hommes divers,
Pour accomplir son ambassade,
Enseignait des gestes pervers,
De la part du marquis de Sade.
Léchant sa femelle ardemment,
Rhythmique, avec des yeux folâtres
Et des gentillesses d´amant,
L´Ours noir grognait: Oh! les théâtres!
Le Perroquet taché de feu,
Sans peur ouvrant son bec solide,
Criait: Député jaune et bleu,
Je ne veux pas qu´on m´invalide!
Il disait, le divin Chameau,
Dont les jambes valent des ailes:
Fi du joueur de chalumeau
Qui me compare aux demoiselles!
Le Rossignol dans son verger,
Parlait du ténor qui l´obsède,
Et la Gazelle au pas léger
Se plaignait du vélocipède.
Avec son air paisible et fou
Je vis l´innocente Girafe
Qui fait sa belle, et dont le cou
A l´élégance d´un paraphe.
Cette bête, qui dans la nuit
Va d´un pas naïf, qu´elle scande,
Me dit: la Tour Eiffel me nuit;
C´est une Girafe plus grande.
Aspirant les senteurs de pin
Que la noire forêt compose,
L´ingénu, le tendre Lapin
Disait, furtif: C´est moi qu´on pose.
Car, et je n´y vois aucun mal,
Poser un lapin signifie:
Je vous paierai, foi d´animal!
Monsieur, bien fol est qui s´y fie.
Je vis sur les eaux, restant coi,
L´oiseau que sa blancheur désigne.
Et courroucé, je dis: Pourquoi
Donc es-tu Cygne? On n´est pas Cygne.
Quelle chimère! On est Canard.
En des coins-coins analytiques
On s´envole, car c´est un art,
Dans les grands journaux politiques.
Ou bien l´on est Oie, et ce nom
Fait qu´on trouve une gloire insigne,
Comme la déesse Junon.
Hélas! me répondit le Cygne,
L´Oie est un digne objet d´amour,
Elle s´envole comme un Ange.
Rien n´égale une basse-cour
Où l´on barbote dans la fange.
Là, comme aux noces de Cana,
On s´enivre de mille joies.
Bonheur idéal! Mais on n´a
Pas voulu de moi chez les Oies!
10 décembre 1889.