Voix solitaire, ô délaissée ! Victime tant de fois blessée, Chère morte dont l´âme eut faim Et soif d´azur, ô Marceline, Dors-tu, sous la froide colline ?
As-tu trouvé le calme, enfin ?
Quand, parmi la lente agonie, La douleur, qui fut ton génie, T´arrachait de tremblants aveux, Le souffle du maître farouche En passant déliait ta bouche, Et frissonnait dans tes cheveux.
Pâle, vouée à ta chimère, Tes dents mordaient la cendre amère ; T´en souvient-il, t´en souvient-il, À présent que tes yeux sans voiles S´emplissent de flamme et d´étoiles ? Tu n´acceptais pas ton exil !
Tu t´écriais, inassouvie : Amour ! je veux, dès cette vie,
Ton délire immatériel Et tes voluptés immortelles : Puisque l´âme a gardé ses ailes, Il faut bien qu´on lui rende un ciel !
Non ! tout désir qui nous déchire N´est qu´un avant-goût du martyre ! Non, l´univers déshérité, Où toute vertu saigne et pleure, Ne peut pas nous donner une heure, Fût-ce au prix de l´éternité.
Qu´importe ! marchons vers le rêve. L´Ange a beau secouer son glaive Sur le seuil que cherchent nos pas, Rôdons aux portes entr´ouvertes ! Cherchons sur les cimes désertes La rose qui n´y fleurit pas !
Allons-nous-en vers le mirage ! Écoutons à travers l´orage La voix qui nous a désignés Pour la félicité sereine, Et que l´ombre à la fin nous prenne, Vaincus, mais non pas résignés.
Vous le savez, brises fécondes, Torrents qui roulez dans vos ondes Une poussière d´astres clairs, Cascades qui volez en poudre, Sapins noirs brisés par la foudre, Rochers mordus par les éclairs !
Vous le savez ; et toi, nuit noire, Tu le vois, ce n´est pas la gloire Que suit le poète aux beaux yeux.
Ce n´est pas pour elle, ô nature ! Qu´il verse à la race future Un flot de chant mélodieux.
Ce n´est pas lui qu´on rassasie Avec cette vaine ambroisie ; Et dédaigneux du laurier vert, Au milieu de la multitude Il garde la morne attitude D´un sphinx regardant le désert.
Mais quand ses odes ingénues Sur le front immense des nues Devancent l´aigle et le vautour, C´est qu´il dit à l´antre sonore La brûlure qui le dévore, Seulement altéré d´amour !