💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Théodore De Banville
Titre : Celle qui chantait
Voix solitaire, ô délaissée !
Victime tant de fois blessée,
Chère morte dont l´âme eut faim
Et soif d´azur, ô Marceline,
Dors-tu, sous la froide colline ?

As-tu trouvé le calme, enfin ?

Quand, parmi la lente agonie,
La douleur, qui fut ton génie,
T´arrachait de tremblants aveux,
Le souffle du maître farouche
En passant déliait ta bouche,
Et frissonnait dans tes cheveux.

Pâle, vouée à ta chimère,
Tes dents mordaient la cendre amère ;
T´en souvient-il, t´en souvient-il,
À présent que tes yeux sans voiles
S´emplissent de flamme et d´étoiles ?
Tu n´acceptais pas ton exil !

Tu t´écriais, inassouvie :
Amour ! je veux, dès cette vie,

Ton délire immatériel
Et tes voluptés immortelles :
Puisque l´âme a gardé ses ailes,
Il faut bien qu´on lui rende un ciel !

Non ! tout désir qui nous déchire
N´est qu´un avant-goût du martyre !
Non, l´univers déshérité,
Où toute vertu saigne et pleure,
Ne peut pas nous donner une heure,
Fût-ce au prix de l´éternité.

Qu´importe ! marchons vers le rêve.
L´Ange a beau secouer son glaive
Sur le seuil que cherchent nos pas,
Rôdons aux portes entr´ouvertes !
Cherchons sur les cimes désertes
La rose qui n´y fleurit pas !

Allons-nous-en vers le mirage !
Écoutons à travers l´orage
La voix qui nous a désignés
Pour la félicité sereine,
Et que l´ombre à la fin nous prenne,
Vaincus, mais non pas résignés.

Vous le savez, brises fécondes,
Torrents qui roulez dans vos ondes
Une poussière d´astres clairs,
Cascades qui volez en poudre,
Sapins noirs brisés par la foudre,
Rochers mordus par les éclairs !

Vous le savez ; et toi, nuit noire,
Tu le vois, ce n´est pas la gloire
Que suit le poète aux beaux yeux.

Ce n´est pas pour elle, ô nature !
Qu´il verse à la race future
Un flot de chant mélodieux.

Ce n´est pas lui qu´on rassasie
Avec cette vaine ambroisie ;
Et dédaigneux du laurier vert,
Au milieu de la multitude
Il garde la morne attitude
D´un sphinx regardant le désert.

Mais quand ses odes ingénues
Sur le front immense des nues
Devancent l´aigle et le vautour,
C´est qu´il dit à l´antre sonore
La brûlure qui le dévore,
Seulement altéré d´amour !

Octobre 1859.