Dans le vieux cimetière, où cette chaude pluie Sur l´aubépine en fleurs A versé, dans un flot que le soleil essuie, Des parfums et des pleurs ;
Au coucher du soleil, dans le vieux cimetière Où, sur chaque tombeau, Des bouquets de rayons empourprent l´humble pierre, Entrons, il y fait beau !
Le ciel, bariolé par la métamorphose De son limpide azur, Borde joyeusement d´écume grise et rose Son grand lac d´un bleu pur.
Puisqu´ils vivent encor dans ces riants calices De soleil amoureux, Les morts qui sont couchés dans ce lieu de délices, Ils doivent être heureux !
Leur âme nous parfume, et la grande Nature,
Si pleine de raison, A fait avec leurs corps tombés en pourriture Sa belle floraison.
Oui, c´est d´eux que nous vient cette ombre douce et triste ; Et ce sont eux encor Ces bouquets de corail, ces thyrses d´améthyste, Ces riches grappes d´or !
Ce sont eux ces rosiers aux mille roses blanches Et ces amaryllis, Et ce bleuet céleste et ces tendres pervenches, Et ce sont eux ces lys !
De même la Nature, avec mélancolie, Jusqu´au matin vermeil Laisse la vaine cendre en nous ensevelie
Pourrir loin du soleil ;
Haine, douleur, néant de la gloire et du crime, Illusion d´un jour ; Et, baignant de rayons tout ce fumier sublime, Elle en fait de l´amour !