💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Théodore De Banville
Titre : Deux tours
Emma dit au jeune étranger:
La tour Eiffel? C´est inutile.
Car à quoi bon te déranger
Dans une intention futile?

Tu pourras la voir à son tour
Sous le rayon d´or qui s´y vautre.
Mais je suis moi-même une tour,
Et je vaux parfaitement l´autre.

Je suis svelte et superbe aussi.
Tu me vois jaillir vers la nue,
Et la foule m´admire ici
Mieux que cette grande ingénue.

Comme elle, j´attache en effet
Ma parure avec des agrafes
Et, modèle insolent, j´ai fait
La fortune des photographes.

Je plais, même au chat de Salis;
Nul rimeur ne m´a ravalée.
Je suis droite comme ces lys

Qu´on voit dans la douce vallée.

J´en conviens, l´autre a des appas
Que suit une ardente séquelle;
Mais, jeune homme, je ne suis pas
Moins solide et moins dure qu´elle.

Rigide comme le Devoir,
Je surgis! Reste dans la ville.
Tu n´as pas besoin, pour me voir,
Du chemin de fer Decauville.

Planant dans les cieux, le vautour
Ne fait aucune différence
Entre elle et moi. Donc, tour pour tour,
Accorde-moi la préférence.

Telle, avec un peu de rougeur,

Emma, non sans littérature
S´expliquait, et le voyageur
Admirait sa belle structure.

Il pensa: Quo non ascendam?
Ayant avalé quelques verres
D´un bon genièvre d´Amsterdam,
Qui rend les âmes peu sévères.

Et dardant son oeil de gerfaut,
Il cria comme une fanfare:
Vous êtes la tour qu´il me faut,
Et je m´éclaire à votre phare.

Pur comme Diaz de Bivar,
Je suis né sous un grand ciel rose,
Dans le département du Var
Qu´un furieux soleil arrose.

J´arrive, en effet, de Fréjus.
Près de vous mon désir énorme
Naît, palpite, et veut grimper jus-
Qu´à la seconde plate-forme.

11 juin 1889.