💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃
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Titre : Fleur
Triste comme le prince Hamlet,
Guy cria d´une façon nette:
Je vois notre avenir en laid.
Qu´elle est vieille, notre planète!
On y cherchera vainement
Dans peu de temps la bête fauve,
Et ce fatal événement
Se produit: elle devient chauve.
Pour plaire à nos petits-neveux,
Étant sans feuillage et sans marbres,
Comme on se met de faux cheveux
Elle se mettra de faux arbres.
Depuis le roi du ciel, Indra,
Tous les volcans, souffrant d´un asthme,
Toussent leurs poumons; il faudra
Qu´on leur mette un grand cataplasme.
Se glaçant, par un triste jeu,
Des extrémités jusqu´au centre,
La pauvre Terre, au lieu de feu
A de la neige dans le ventre.
Et c´est là son moindre défaut.
Depuis que le pic la farfouille
Elle est vidée, ou peu s´en faut,
On n´aura bientôt plus de houille.
Quant à l´homme, drôle de corps!
Jusqu´à ce que la mort s´en suive
Il doit écouter les accords
Des Huguenots et de la Juive.
Et tant de malheureux ont faim!
Le ciel est froid, la neige est dure,
Par l´hiver qui n´a pas de fin.
Oh! la bise dans la froidure!
Engin cruel, affreux joyau
Que la Démence voit en songe,
En abominable tuyau
Le sombre acier de Krupp s´allonge.
Et les belles Illusions,
Engouffrant leurs comiques robes
Dans le ciel plein de visions,
Laissent l´homme en proie aux microbes.
On va sans espoir et sans but
Dans cette ombre mal habitée.
Il est temps qu´on mette au rebut
La planète désorbitée.
Tel Guy, sans pitié, ni merci,
Injuriait l´astre morose.
Mais comme il s´écriait ainsi,
Vint à passer la jeune Rose.
Douce, autour d´elle ruisselait
Comme une lumière inconnue.
Elle a seize ans tout juste, elle est
Folâtre, naïve, ingénue.
Pétrie avec un peu d´azur
Ainsi qu´un Ange, elle est de celles
Dont on admire le front pur.
Ses yeux d´or sont pleins d´étincelles.
Pareille au gai matin vermeil,
Elle est enfantine et superbe
Et, sous un rayon de soleil,
Semble un grand lys, fleuri dans l´herbe.
Regardant cette floraison,
Je dis à Guy, l´âme ravie;
Mon ami, vous avez raison,
Elle est monotone, la vie.
Paris, que le songe berçait,
Comme Ecbatane et comme Tarse,
Rentre au néant tragique, et c´est
Toujours la même vieille farce.
Partout c´est on n´en sort jamais
L´orgie écoeurante ou le jeûne,
Et la planète est vieille, mais
Comme la jeune fille est jeune!
23 décembre 1890.