Mais ne serait-ce pas plutôt un jeune rameau du délicieux arbuste consacré à l´Amour, lorsque, consumé par Siva dans un accès de colère, il vint à renaître mille fois plus charmant encore, grâce à la
céleste ambroisie dont l´arrosèrent les dieux ? Calidasa.
Lorsque Mai rougissant rassérène les coeurs Et que sourit à tous la terre fécondée, Quand sur les verts gazons Chloris mène des choeurs, Il fleurit dans le parc un arbre de Judée.
C´est un arbre tout rose, et sans feuilles d´abord, Un tout harmonieux que rien autre n´égale. Ses longs rameaux, groupés dans un parfait accord, Ont l´air de supporter des roses du Bengale.
Quand la feuille leur met son beau satin ouvert, Ils sont plus doux encore au regards de l´artiste ;
La pourpre s´adoucit près du feuillage vert, Et la tendre émeraude encadre l´améthyste.
Puisque c´est à présent que mon arbre fleurit, Je veux, couché sur l´herbe, oubliant toutes choses, Dans ses vivants écrins égarer mon esprit, Et pendant un moment faire des songes roses.
Voyez comme l´azur est calme et reposé, Comme on se sent heureux sans en savoir les causes, Comme l´herbe frémit sur le sol arrosé, Comme le ciel couchant est riche en fleurs écloses !
Sous ces bosquets charmants, épanouis pour eux, Pleins d´ombrages secrets et de faibles murmures,
Voyez ces beaux enfants, ces couples amoureux Qui vont en écartant les épaisses ramures.
C´est toi, belle Rosine ! Hélas ! le vert rideau Nous dérobe tes pieds, les plus charmants du monde. C´est toi, folle Rosette avec ton Orlando ! Pauvre morte amoureuse, est-ce toi, Rosemonde ?
Quel est ce bruit de cor qui passe dans les bois ? C´est la chasse qui vient : salut, blanches marquises ! Mettez les coeurs en flamme et le cerf aux abois, Vos paniers de satin ont des façons exquises.
Près de ce rocher blanc taillé comme un autel, Ainsi qu´un lévrier l´eau folâtre et se dresse.
Pardieu ! c´est la marquise, avec son air cruel, Qui se baigne là-bas en nymphe chasseresse.
Il manque un Actéon, ce sera le mari : Il a tout ce qu´il faut, et pourrait en revendre. Abbé ! votre musique est un charivari ! Vous soupirez, Églé ! Que vous a fait Silvandre ?
C´est ainsi que je rêve aux temps des Pompadours. Et lorsqu´un bruit aigu, conne un cri de cigale, Fait envoler le rêve, il me reste toujours Mon arbre de Judée aux roses du Bengale.