💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Théodore De Banville
Titre : L´Arbre de Judée
Mais ne serait-ce pas plutôt un jeune
rameau du délicieux arbuste consacré à
l´Amour, lorsque, consumé par Siva dans un
accès de colère, il vint à renaître mille
fois plus charmant encore, grâce à la

céleste ambroisie dont l´arrosèrent les dieux ?
Calidasa.

Lorsque Mai rougissant rassérène les coeurs
Et que sourit à tous la terre fécondée,
Quand sur les verts gazons Chloris mène des choeurs,
Il fleurit dans le parc un arbre de Judée.

C´est un arbre tout rose, et sans feuilles d´abord,
Un tout harmonieux que rien autre n´égale.
Ses longs rameaux, groupés dans un parfait accord,
Ont l´air de supporter des roses du Bengale.

Quand la feuille leur met son beau satin ouvert,
Ils sont plus doux encore au regards de l´artiste ;

La pourpre s´adoucit près du feuillage vert,
Et la tendre émeraude encadre l´améthyste.

Puisque c´est à présent que mon arbre fleurit,
Je veux, couché sur l´herbe, oubliant toutes choses,
Dans ses vivants écrins égarer mon esprit,
Et pendant un moment faire des songes roses.

Voyez comme l´azur est calme et reposé,
Comme on se sent heureux sans en savoir les causes,
Comme l´herbe frémit sur le sol arrosé,
Comme le ciel couchant est riche en fleurs écloses !

Sous ces bosquets charmants, épanouis pour eux,
Pleins d´ombrages secrets et de faibles murmures,

Voyez ces beaux enfants, ces couples amoureux
Qui vont en écartant les épaisses ramures.

C´est toi, belle Rosine ! Hélas ! le vert rideau
Nous dérobe tes pieds, les plus charmants du monde.
C´est toi, folle Rosette avec ton Orlando !
Pauvre morte amoureuse, est-ce toi, Rosemonde ?

Quel est ce bruit de cor qui passe dans les bois ?
C´est la chasse qui vient : salut, blanches marquises !
Mettez les coeurs en flamme et le cerf aux abois,
Vos paniers de satin ont des façons exquises.

Près de ce rocher blanc taillé comme un autel,
Ainsi qu´un lévrier l´eau folâtre et se dresse.

Pardieu ! c´est la marquise, avec son air cruel,
Qui se baigne là-bas en nymphe chasseresse.

Il manque un Actéon, ce sera le mari :
Il a tout ce qu´il faut, et pourrait en revendre.
Abbé ! votre musique est un charivari !
Vous soupirez, Églé ! Que vous a fait Silvandre ?

C´est ainsi que je rêve aux temps des Pompadours.
Et lorsqu´un bruit aigu, conne un cri de cigale,
Fait envoler le rêve, il me reste toujours
Mon arbre de Judée aux roses du Bengale.

Mai 1844.