💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Théodore De Banville
Titre : L´Attrait du gouffre
Oh ! que me voulez-vous, lueurs vertigineuses ?
Divin silence, attrait du néant, laisse-moi !
Ainsi la mer, songeant par les nuits lumineuses,
Me faisait tressaillir de tendresse et d´effroi.

Ces yeux où les chansons des sirènes soupirent,
Océans éperdus, gouffres inapaisés,
Bleus firmaments où rien ne doit vivre, m´inspirent
La haine de la joie et l´oubli des baisers.

Les yeux pensifs, les yeux de cette charmeresse
Sont faits d´un pur aimant dont le pouvoir fatal
Communique une chaste et merveilleuse ivresse
Et ce mal effréné, la soif de l´Idéal.

Ils ne s´abritent pas, solitudes sans voiles,
Sous des cils baignés d´or et sous de fiers sourcils ;
Ondes où vont mourir les flèches des étoiles,
Rien ne cache au regard leur mirage indécis.

Ce sont les lacs sans borne où s´égare mon âme ;

Leur azur éthéré, vaste et silencieux,
Saphir terrible et doux, sans lumière et sans flamme,
Vole sa transparence à d´ineffables cieux.

Je sais que ce désert plein de mélancolie
Engloutit mon courage en vain ressuscité,
Et que je ne peux pas, sans trouver la folie,
Chercher ta perle, Amour ! dans cette immensité.

L´éblouissement clair de ces froides prunelles
Où le féroce Ennui voudrait à son loisir
Savourer le poison des langueurs éternelles
M´enchante et me ravit dans un vague désir.

Il n´est plus temps de fuir, laisse toute espérance !
Ils m´ont appris, ces flots aux cruelles pâleurs,

Les voluptés du calme et de l´indifférence,
Et l´extase a tari la source de mes pleurs.

L´abîme où, sans retour, mon rêve s´embarrasse,
Semble immobile ; mais je le sens tournoyer.
Comme une lèvre humide, il m´attire et m´embrasse,
Et ma lâche raison frémit de s´y noyer.

Eh bien, je poursuivrai mon destin misérable :
Par-delà le fini, par-delà le réel,
Je veux boire à longs traits cette angoisse adorable
Et souffrir les ennuis de ce bonheur mortel.

Bellevue, avril 1858.