Avant que la brise adultère Qui fait le charme des hivers, N’émaille de recueils de vers Les parapets du quai Voltaire ; Avant que Chaumier Siméon
N’ait publié ses hexamètres, Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
Des journaux qui mettent leur liste Dans l’Annuaire officiel, Il n’en est pas qui sous le ciel Soit plus mordoré que L’Artiste.
Messieurs Paul, Arthur et Léon En sont les rédacteurs champêtres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
Il n’est pas de revue alpestre, Pas de recueil ni de journal, Soit chez Bertin ou Jubinal, Où viennent, vers la Saint-Sylvestre,
Plus de ces chevaliers d’Éon Moitié lorettes, moitié reîtres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
Nulle part, dans le ciel sans brise, Les jeunes gens au coeur de feu Ne regardent d’un oeil plus bleu La lune changer de chemise. Ainsi la voyait Actéon Faire la planche sous les hêtres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
A L’Artiste, la grande actrice Fut Asphodèle Carabas, Carabas, qu’avec son cabas Buloz guignait pour rédactrice.
Hélas ! changeant caméléon, L’Artiste lui tourne les guêtres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
Un étranger vint à L’Artiste, Jeune, avec un air ahuri. Était-ce un du Charivari, Du Furet, du Feuilletoniste ? Était-il le Timoléon Des Saint-Almes et des Virmaîtres ? Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
On ne savait. L’ange Asphodèle Fit avec lui deux mille vers. Les Vermots et les Mantz divers Derrière eux tenaient la chandelle.
Ils jouaient de l’accordéon Pour mieux accompagner ces mètres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
La lune était à la fin nue, Et ses rayons, doux aux rimeurs, Parmi le gaz des allumeurs Découpaient en blanc sur la nue Les chapiteaux du Panthéon, Pareils à de grands baromètres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
Mais contre Asphodèle rageuses, Des bas-bleus, confits par Gannal, Dans le salon bleu du journal
Dansaient des polkas orageuses. Les élèves de l’Orphéon Leur chantaient Les Boeufs aux fenêtres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
On voit dormir au nid la caille Qu’un vautour fauve lorgne en bas : Telle s’endormait Carabas. Le jeune homme au lorgnon d’écaille, C’était le doux Napoléon Citrouillard, l’un de nos vieux maîtres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !
Et, fougueux comme un Transtamare, Citrouillard, ce dandy sans foi, La fit un jour, de par le Roi,
Rédactrice du Tintamarre ! Elle y traduit Anacréon En vers de quatre centimètres Allez, allez, ô gens de lettres, Manger du flan dans l’Odéon !