💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Théodore De Banville
Titre : Les Torts du Cygne
Comme le Cygne allait nageant
Sur le lac au miroir d´argent,
Plein de fraîcheur et de silence,
Les Corbeaux noirs, d´un ton guerrier,
Se mirent à l´injurier

En volant avec turbulence.

Va te cacher, vilain oiseau !
S´écriaient-ils. Ce damoiseau
Est vêtu de lys et d´ivoire !
Il a de la neige à son flanc !
Il se montre couvert de blanc
Comme un paillasse de la foire!

Il va sur les eaux de saphir,
Laid comme une perle d´Ophir,
Blanc comme le marbre des tombes
Et comme l´aubépine en fleur !
Le fat arbore la couleur
Des boulangers et des colombes !

Pour briller sur ce promenoir,
Que n´a-t-il adopté le noir !

Un fait des plus élémentaires,
C´est que le noir est distingué.
C´est propre, c´est joli, c´est gai ;
C´est l´uniforme des notaires.

Cuisinier, garde ton couteau
Pour ce Gille, cher à Wateau !
Accours! et moi-même que n´ai-je
Le bec aigu comme un ciseau
Pour percer le vilain oiseau
Barbouillé de lys et de neige !

Tel fut leur langage. A son tour
Dans les cieux parut un Vautour
Qui s´en vint déchirer le Cygne
Ivre de joie et de soleil ;
Et sur l´onde son sang vermeil
Coula comme une pourpre insigne.

Alors, plus brillant que l´Oeta
Ceint de neige, l´oiseau chanta,
L´oiseau que sa blancheur décore ;
Il chanta la splendeur du jour,
Et tous les antres d´alentour
S´emplirent de sa voix sonore.

Et l´Alouette dans son vol,
Et la Rose et le Rossignol
Pleuraient le Cygne. Mais les Anes
S´écrièrent avec lenteur :
Que nous veut ce mauvais chanteur ?
Nous avons des airs bien plus crânes.

Il chantait toujours. Et les bois
Frissonnants écoutaient la voix
Pleine d´hymnes et de louanges.

Alors, d´autres êtres ailés
Traversèrent les cieux voilés
D´azur. Ceux-là, c´étaient des Anges.

Ces beaux voyageurs, sans pleurer,
Regardaient le Cygne expirer
Parmi sa pourpre funéraire,
Et, vers l´oiseau du flot obscur
Tournant leur prunelle d´azur,
Ils lui disaient : Bonsoir, mon frère.

Décembre 1861