Attiré par l´odeur affreuse du charnier, Parfois le dieu Désir s´habille en chiffonnier. Il n´a plus, beau chasseur bondissant d´un pied libre, Ce grand arc dont la corde avec nos âmes vibre,
Ni ces traits dont l´airain, comme un oiseau vainqueur, Épouvante la nue et nous blesse en plein coeur. Il est las d´avoir vu les Déesses sans voiles Et d´avoir caressé les blancheurs des Étoiles, Et d´avoir longtemps bu, près des Amaryllis, Les larmes de la Nuit dans la coupe des lys, Et de s´être endormi, dans les apothéoses, Sur des lèvres en fleur pareilles à des roses. Désir, ce dieu superbe au fulgurant essor, Dont les ailes fuyaient dans la lumière d´or Et devant qui Psyché balbutiait, ravie, Sur le comptoir de zinc a bu de l´eau-de-vie. Lui qui faisait pleurer de tendresse les loups, Il trébuche dans l´ombre avec des hoquets fous. Son pied, déjà tremblant, dans le ruisseau barbote; Il est ivre; il a mis sur son dos une hotte,
Et sous ses haillons vils, comme un vieux chargé d´ans, Il marche tout courbé, le brûle-gueule aux dents. En traîneur de savate, il va, sous le ciel terne, Tenant en main son noir crochet et sa lanterne. Il a caché tout l´or de son front crespelé Sous la casquette molle, et comme un chien pelé Qui remâche des os et des carcasses dures, Il cherche son régal parmi les tas d´ordures.