Élite du monde élégant, Qui fuis le boulevard de Gand, O troupe élue, Pour nous suivre sur ce tréteau Où plane l´esprit de Wateau,
Je te salue !
Te voilà ! Nous pouvons encor Te dévider tout le fil d´or De la bobine ! En un rêve matériel, Nous te montrerons Ariel Et Colombine.
Dans notre parc aérien S´agite un monde qui n´a rien Su de morose: Bouffons que l´Amour, pour son jeu, Vêtit de satin rayé, feu, Bleu-ciel et rose !
Notre poême fanfaron, Qui dans le pays d´Obéron
Toujours s´égare, N´est pas plus compliqué vraiment Que ce que l´on songe en fumant Un bon cigare.
Tu jugeras notre savoir Tout à l´heure, quand tu vas voir La pantomime. Je suis sûr que l´Eldorado Où te conduira Durandeau Sera sublime.
Car notre Thalie aux yeux verts, Qui ne se donne pas des airs De pédagogue, A tout Golconde en ses écrins : Seulement, cher public, je crains Pour son prologue !
Oui ! moi qui rêve sous les cieux, Je fus sans doute audacieux En mon délire, D´oser dire à l´ami Pierrot : Tu seras valet de Marot, Porte ma lyre !
Mais, excusant ma privauté, N´ai-je pas là, pour le côté Métaphysique, Paul, que Molière eût observé ? Puis voici Kelm, et puis Hervé Fait la musique !
Berthe, Lebreton, Mélina, Avec Suzanne Senn, qui n´a Rien de terrestre,
Dansent au fond de mon jardin Parmi les fleurs, et Bernardin Conduit l´orchestre !
Écoute Louisa Melvil ! N´est-ce pas un ange en exil Que l´on devine Sous les plis du crêpe flottant, Lorsqu´elle chante et qu´on entend Sa voix divine ?
Ravit-elle pas, front vermeil, Avec ses cheveux de soleil Lissés en onde, Le paysage triomphant, Belle comme Diane enfant, Et blanche ! et blonde !
Pour ces accords et pour ces voix, Pour ces fillettes que tu vois, Foule choisie, Briller en leur verte saveur, Daigne accueillir avec faveur Ma poésie !
Car, sinon mes vers, peu vantés ! Du moins tous ces fronts inventés Avec finesse, Comme en un miroir vif et clair, Te feront entrevoir l´éclair De la jeunesse !