💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃
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Titre : Ténor
Le Roi triomphe dans sa cour.
Soit qu´il fasse beau, soit qu´il pleuve,
L´air caressant, avec amour
Frémit dans sa barbe de fleuve.
Il est heureux, calme, riant,
Baigné de clartés éternelles,
Car l´Occident et l´Orient
Sont captifs dans ses deux prunelles.
Pour lui, seigneur et justicier,
Les Victoires sont peu bégueules.
A ses pieds, les canons d´acier,
Comme des chiens, ouvrent leurs gueules.
Candides à jeter l´affront
Sur la neige des avalanches,
Toujours voltigent sur son front
Des éventails de plumes blanches.
Près de sa robe d´apparat
La pourpre est de la toile bise.
Il se pourrait qu´il s´emparât
De l´Égypte, comme Cambyse.
Tout à coup, d´un noir palefroi
Descend, en sa gloire absolue,
Un être sublime. Il dit: Roi,
Moi, le Ténor, je te salue.
(C´est ton vainqueur, le dieu Ténor,
O bon sens dompté qui t´immoles!)
Suave, il semble tout en or,
Parce qu´il a des bottes molles.
Eh quoi! dit-il, chanter pour rien,
Comme égrène son air de flûte
Le rossignol aérien!
Je veux mille francs par minute.
Mille francs! le siècle a marché,
Dit le Roi, dont la bouche ordonne.
Enfin, c´est encor bon marché.
Mon argentier, qu´on les lui donne.
Le Ténor dit: Non asservi
Aux abstinences des Tartuffes,
Je veux un boeuf entier, servi
Sur un plat d´or, avec des truffes!
Jamais l´emphase à la Brébeuf,
Répond le Roi, ne m´incommode.
Bouchers, qu´on égorge le boeuf
Et qu´on l´accommode à la mode!
Le Ténor dit: Les firmaments
Rayonnent dans les noirs désastres,
Je veux aussi mes diamants,
Brillants comme des grappes d´astres.
Et le Roi dit: Il les lui faut,
Comme à l´insecte ses élytres.
Choisissez-les bien sans défaut,
Et qu´on en apporte deux litres.
Si tu fais tout ce que je veux,
Il faut que la Reine, ta femme,
Passe la main dans mes cheveux,
Dit le Ténor. C´est mon programme.
Grand tumulte dans les salons.
Mais le Roi, qui ne bouge mie,
Dit à sa belle Reine: Allons!
Vous l´entendez, ma bonne amie.
Votre front vainement rougit,
Car il ne faut pas que l´on biaise
Imprudemment, lorsqu´il s´agit
De nous assurer notre ut dièze.
La Reine tremble, en son effroi.
Mais tranquille comme Baptiste,
Le Ténor triste dit: O Roi,
Comprends enfin mon coeur d´artiste.
Mon métier commence à m´user,
Tant de labeur m´a fait morose.
Maintenant, je veux m´amuser:
Tu vas me chanter quelque chose!
5 août 1890.