A la morne Chartreuse, entre des murs de pierre, En place de jardin l´on voit un cimetière, Un cimetière nu comme un sillon fauché, Sans croix, sans monument, sans tertre qui se hausse :
L´oubli couvre le nom, l´herbe couvre la fosse ; La mère ignorerait où son fils est couché.
Les végétations maladives du cloître Seules sur ce terrain peuvent germer et croître, Dans l´humidité froide à l´ombre des longs murs ; Des morts abandonnés douces consolatrices, Les fleurs n´oseraient pas incliner leurs calices Sur le vague tombeau de ces dormeurs obscurs.
Au milieu, deux cyprès à la noire verdure Profilent tristement leur silhouette dure, Longs soupirs de feuillage élancés vers les cieux, Pendant que du bassin d´une avare fontaine
Tombe en frange effilée une nappe incertaine, Comme des pleurs furtifs qui débordent des yeux.
Par les saints ossements des vieux moines filtrée, L´eau coule à flots si clairs dans la vasque éplorée, Que pour en boire un peu je m´approchai du bord Dans le cristal glacé quand je trempai ma lèvre, Je me sentis saisi par un frisson de fièvre : Cette eau de diamant avait un goût de mort !