La spirale sans fin dans le vide s´enfonce ; Tout autour, n´attendant qu´une fausse réponse Pour vous pomper le sang, Sur leurs grands piédestaux semés d´hiéroglyphes,
Des sphinx aux seins pointus, aux doigts armés de griffes, Roulent leur oeil luisant.
En passant devant eux, à chaque pas l´on cogne Des os demi-rongés, des restes de charogne, Des crânes sonnant creux. On voit de chaque trou sortir des jambes raides ; Des apparitions monstrueusement laides Fendent l´air ténébreux.
C´est ici que l´énigme est encor sans Oedipe, Et qu´on attend toujours le rayon qui dissipe L´antique obscurité. C´est ici que la mort propose son problème, Et que le voyageur, devant sa face blême, Recule épouvanté.
Ah ! Que de nobles coeurs et que d´âmes choisies, Vainement, à travers toutes les poésies, Toutes les passions, Ont poursuivi le mot de la page fatale, Dont les os gisent là sans pierre sépulcrale Et sans inscriptions !
Combien, dons juans obscurs, ont leurs listes remplies Et qui cherchent encor ! Que de lèvres pâlies Sous les plus doux baisers, Et qui n´ont jamais pu se joindre à leur chimère ! Que de désirs au ciel sont remontés de terre Toujours inapaisés !
Il est des écoliers qui voudraient tout connaître, Et qui ne trouvent pas pour valet et pour maître De Méphistophélès. Dans les greniers, il est des Faust sans Marguerite, Dont l´enfer ne veut pas et que Dieu déshérite ; Tous ceux-là, plaignez-les !
Car ils souffrent un mal, hélas ! Inguérissable ; Ils mêlent une larme à chaque grain de sable Que le temps laisse choir. Leur coeur, comme une orfraie au fond d´une ruine, Râle piteusement dans leur maigre poitrine
L´hymne du désespoir.
Leur vie est comme un bois à la fin de l´automne, Chaque souffle qui passe arrache à leur couronne Quelque reste de vert, Et leurs rêves en pleurs s´en vont fendant les nues, Silencieux, pareils à des files de grues Quand approche l´hiver.
Leurs tourments ne sont point redits par le poëte Martyrs de la pensée, ils n´ont pas sur leur tête L´auréole qui luit ; Par les chemins du monde ils marchent sans cortège,
Et sur le sol glacé tombent comme la neige Qui descend dans la nuit.