💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

 A   B   C   D   E   F   G   H   I   J   K   L   M   N   O   P   Q   R   S   T   U   V   W   X   Y   Z   0   1   2   3   4   5   6   7   8   9 
Artiste : Théophile Gautier
Titre : La Mort dans la vie Chapitre 6
La spirale sans fin dans le vide s´enfonce ;
Tout autour, n´attendant qu´une fausse réponse
Pour vous pomper le sang,
Sur leurs grands piédestaux semés d´hiéroglyphes,

Des sphinx aux seins pointus, aux doigts armés de griffes,
Roulent leur oeil luisant.

En passant devant eux, à chaque pas l´on cogne
Des os demi-rongés, des restes de charogne,
Des crânes sonnant creux.
On voit de chaque trou sortir des jambes raides ;
Des apparitions monstrueusement laides
Fendent l´air ténébreux.

C´est ici que l´énigme est encor sans Oedipe,
Et qu´on attend toujours le rayon qui dissipe
L´antique obscurité.
C´est ici que la mort propose son problème,
Et que le voyageur, devant sa face blême,
Recule épouvanté.

Ah ! Que de nobles coeurs et que d´âmes choisies,
Vainement, à travers toutes les poésies,
Toutes les passions,
Ont poursuivi le mot de la page fatale,
Dont les os gisent là sans pierre sépulcrale
Et sans inscriptions !

Combien, dons juans obscurs, ont leurs listes remplies
Et qui cherchent encor ! Que de lèvres pâlies
Sous les plus doux baisers,
Et qui n´ont jamais pu se joindre à leur chimère !
Que de désirs au ciel sont remontés de terre
Toujours inapaisés !

Il est des écoliers qui voudraient tout connaître,
Et qui ne trouvent pas pour valet et pour maître
De Méphistophélès.
Dans les greniers, il est des Faust sans Marguerite,
Dont l´enfer ne veut pas et que Dieu déshérite ;
Tous ceux-là, plaignez-les !

Car ils souffrent un mal, hélas ! Inguérissable ;
Ils mêlent une larme à chaque grain de sable
Que le temps laisse choir.
Leur coeur, comme une orfraie au fond d´une ruine,
Râle piteusement dans leur maigre poitrine

L´hymne du désespoir.

Leur vie est comme un bois à la fin de l´automne,
Chaque souffle qui passe arrache à leur couronne
Quelque reste de vert,
Et leurs rêves en pleurs s´en vont fendant les nues,
Silencieux, pareils à des files de grues
Quand approche l´hiver.

Leurs tourments ne sont point redits par le poëte
Martyrs de la pensée, ils n´ont pas sur leur tête
L´auréole qui luit ;
Par les chemins du monde ils marchent sans cortège,

Et sur le sol glacé tombent comme la neige
Qui descend dans la nuit.