Je vis cloîtré dans mon âme profonde, Sans rien d´humain, sans amour, sans amis, Seul comme un dieu, n´ayant d´égaux au monde Que mes aïeux sous la tombe endormis ! Hélas ! grandeur veut dire solitude.
Comme une idole au geste surhumain, Je reste là, gardant mon attitude, La pourpre au dos, le monde dans la main.
Comme Jésus, j´ai le cercle d´épines ; Les rayons d´or du nimbe sidéral Percent ma peau comme des javelines, Et sur mon front perle mon sang royal. Le bec pointu du vautour héraldique Fouille mon flanc en proie aux noirs soucis : Sur son rocher, le Prométhée antique N´était qu´un roi sur son fauteuil assis.
De mon olympe entouré de mystère, Je n´entends rien que la voix des flatteurs ; C´est le seul bruit qui des bruits de la terre Puisse arriver à de telles hauteurs ; Et si parfois mon peuple, qu´on outrage,
En gémissant entrechoque ses fers : » Sire ! dormez, me dit-on, c’est l’orage ; Les cieux bientôt vont devenir plus clairs. »
Je puis tout faire, et je n’ai plus d’envie. Ah ! si j’avais seulement un désir ! Si je sentais la chaleur de la vie ! Si je pouvais partager un plaisir ! Mais le soleil va toujours sans cortège ; Les plus hauts monts sont aussi les plus froids ; Et nul été ne peut fondre la neige Sur les sierras et dans le coeur des rois !