Avril est de retour. La première des roses, De ses lèvres mi-closes, Rit au premier beau jour ; La terre bienheureuse
S’ouvre et s’épanouit ; Tout aime, tout jouit. Hélas ! j’ai dans le coeur une tristesse affreuse.
Les buveurs en gaîté, Dans leurs chansons vermeilles, Célèbrent sous les treilles Le vin et la beauté ; La musique joyeuse, Avec leur rire clair S’éparpille dans l’air. Hélas ! j’ai dans le coeur une tristesse affreuse.
En deshabillés blancs, Les jeunes demoiselles S’en vont sous les tonnelles
Au bras de leurs galants ; La lune langoureuse Argente leurs baisers Longuement appuyés. Hélas ! j’ai dans le coeur une tristesse affreuse.
Moi, je n’aime plus rien, Ni l’homme, ni la femme, Ni mon corps, ni mon âme, Pas même mon vieux chien. Allez dire qu’on creuse, Sous le pâle gazon, Une fosse sans nom. Hélas ! j’ai dans le coeur une tristesse affreuse.