la déçente des marins ches Marijane serre à boire & à manger couche à pieds et à cheval. debit.
Le temps était si beau, la mer était si belle… Qu’on dirait qu’y en avait pas. Je promenais, un coup encore, ma Donzelle, À terre, tous deux, sous mon bras.
C’était donc, pour du coup, la dernière journée. Comme-ça : ça m’était égal… Ça n’en était pas moins la suprême tournée Et j’étais sensitif pas mal.
… Tous les ans, plus ou moins, je relâchais près d’elle
– Un mois de mouillage à passer – Et je la relâchais tout fraîchement fidèle… Et toujours à recommencer.
Donc, quand la barque était à l’ancre, sans malice J’accostais, novice vainqueur, Pour mouiller un pied d’ancre, Espérance propice !… Un pied d’ancre dans son cœur !
Elle donnait la main à manger mon décompte Et mes avances à manger. Car, pour un mathurin faraud, c’est une honte : De ne pas rembarquer léger.
J’emportais ses cheveux, pour en cas de naufrage, Et ses adieux au long-cours. Et je lui rapportais des objets de sauvage, Que le douanier saisit toujours.
Je me l’imaginais pendant les traversées, Moi-même et naturellement.
Je m’en imaginais d’autres aussi – censées Elle – dans mon tempérament.
Mon nom mâle à son nom femelle se jumelle, Bout-à-bout et par à peu-près : Moi je suis Jean-Marie et c’est Mary-Jane elle… Elle ni moi n’ons fait exprès.
… Notre chien de métier est chose assez jolie Pour un leste et gueusard amant ; Toujours pour démarrer on trouve l’embellie : – Un pleur… Et saille de l’avant !
Et hisse le grand foc ! – la loi me le commande. – Largue les garcettes, sans gant ! Étarque à bloc ! – L’homme est libre et la mer est grande – La femme : un sillage !… Et bon vent ! –
On a toujours, puisque c’est dans notre nature, – Coulant en douceur, comme tout – Filé son câble par le bout, sans fignolure… Filé son câble par le bout !
– File !… La passion n’est jamais défrisée. – Évente tout et pique au nord ! Borde la brigantine et porte à la risée !… – On prend sa capote et s’endort…
– Et file le parfait amour ! à ma manière, – Ce n’est pas la bonne : tant mieux ! C’est encor la meilleure et dernière et première… As pas peur d’échouer, mon vieux !
Ah ! la mer et l’amour ! – On sait – c’est variable… Aujourd’hui : zéphyrs et houris ! Et demain… c’est un grain : Vente la peau du diable ! Debout au quart ! croche des ris !…
– Nous fesons le bonheur d’un tas de malheureuses, Gabiers volants de Cupidon !… Et la lame de l’ouest nous rince les pleureuses…
– Encore une ! et lave le pont ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Comme ça moi je suis. Elle, c’était la rose D’amour, et du débit d’ici…
Nous cherchions tous deux à nous dire quelque chose De triste. – C’est plus propre aussi. –
… Elle ne disait rien – Moi : pas plus. – Et sans doute, La chose aurait duré longtemps… Quand elle dit, d’un coup, au milieu de la route : – Ah Jésus ! comme il fait beau temps. –
J’y pensais justement, et peut-être avant elle… Comme avec un même cœur, quoi ! Donc, je dis à mon tour : – Oh ! oui, mademoiselle, Oui… Les vents hâlent le noroî…
– Ah ! pour où partez-vous ? – Ah ! pour notre voyage… – Des pays mauvais ? – Pas meilleurs… – Pourquoi ? – Pour faire un tour, démoisir l’équipage… Pour quelque part, et pas ailleurs :
New-York… Saint-Malo… – Que partout Dieu vous garde ! – Oh !… Le saint homme y peut s’asseoir ; Ça n’est notre métier à nous, ça nous regarde :
Éveillatifs, l’œil au bossoir !
– Oh ! ne blasphémez pas ! Que la Vierge vous veille !
– Oui : que je vous rapporte encor Une bonne Vierge à la façon de Marseille : Pieds, mains, et tête et tout, en or ?…
– Votre navire est-il bon pour la mer lointaine ? – Ah ! pour ça, je ne sais pas trop, Mademoiselle ; c’est l’affaire au capitaine, Pas à vous, ni moi matelot.
– Mais le navire a-t-il un beau nom de baptême ? – C’est un brick… pour son petit nom ;
Un espèce de nom de dieu… toujours le même, Ou de sa moitié : Junon…
– Je tremblerai pour vous, quand la mer se tourmente… – Tiens bon, va ! la coque a deux bords… On sait patiner ça ! comme on fait d’une amante… – Mais les mauvais maux ?… – Oh ! des sorts !
– Je tremble aussi que vous n’oubliiez mes tendresses Parmi vos reines de là-bas… – Beaux cadavres de femme : oui ! mais noirs et singesses… Et puis : voyez, là, sur mon bras :
C’est l’Hôtel de l’Hymen, dont deux cœurs en gargousse
Tatoués à perpétuité ! Et la petite bonne-femme en froc de mousse : C’est vous, en portrait… pas flatté.
– Pour lors, c’est donc demain que vous quittez ?… – Peut-être. – Déjà !… – Peut-être après-demain. – Regardez en appareillant, vers ma fenêtre : On fera bonjour de la main.
– C’est bon. Jusqu’au retour de n’importe où, m’amie… Du Tropique ou Noukahiva. Tâchez d’être fidèle, et moi : sans avarie… Une autre fois mieux ! – Adieu-vat !