💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Victor Hugo
Titre : Je lisais. Que lisais-je? Oh! le vieux livre austère
Je lisais. Que lisais-je? Oh! le vieux livre austère,
Le poëme éternel! La Bible? Non, la terre.
Platon, tous les matins, quand revit le ciel bleu,

Lisait les vers d´Homère, et moi les fleurs de Dieu.
J´épèle les buissons, les brins d´herbe, les sources;
Et je n´ai pas besoin d´emporter dans mes courses
Mon livre sous mon bras, car je l´ai sous mes pieds.
Je m´en vais devant moi dans les lieux non frayés,
Et j´étudie à fond le texte, et je me penche,
Cherchant à déchiffrer la corolle et la branche.
Donc, courbé, c´est ainsi qu´en marchant je traduis
La lumière en idée, en syllabes les bruits,
J´étais en train de lire un champ, page fleurie.
Je fus interrompu dans cette rêverie;
Un doux martinet noir avec un ventre blanc

Me parlait; il disait: O pauvre homme, tremblant
Entre le doute morne et la foi qui délivre,
Je t´approuve. Il est bon de lire dans ce livre.
Lis toujours, lis sans cesse, ô penseur agité,
Et que les champs profonds t´emplissent de clarté!
Il est sain de toujours feuilleter la nature,
Car c´est la grande lettre et la grande écriture;
Car la terre, cantique où nous nous abîmons,
A pour versets les bois et pour strophes les monts!
Lis. Il n´est rien dans tout ce que peut sonder l´homme
Qui, bien questionné par l´âme, ne se nomme.
Médite. Tout est plein de jour, même la nuit;
Et tout ce qui travaille, éclaire, aime ou détruit,

A des rayons: la roue au dur moyeu, l´étoile,
La fleur, et l´araignée au centre de sa toile.
Rends-toi compte de Dieu. Comprendre, c´est aimer.
Les plaines où le ciel aide l´herbe à germer,
L´eau, les prés, sont autant de phrases où le sage
Voit serpenter des sens qu´il saisit au passage.
Marche au vrai. Le réel, c´est le juste, vois-tu;
Et voir la vérité, c´est trouver la vertu.
Bien lire l´univers, c´est bien lire la vie.
Le monde est l´oeuvre où rien ne ment et ne dévie,
Et dont les mots sacrés répandent de l´encens.
L´homme injuste est celui qui fait des contre-sens.
Oui, la création tout entière, les choses,

Les êtres, les rapports, les éléments, les causes,
Rameaux dont le ciel clair perce le réseau noir,
L´arabesque des bois sur les cuivres du soir,
La bête, le rocher, l´épi d´or, l´aile peinte,
Tout cet ensemble obscur, végétation sainte,
Compose en se croisant ce chiffre énorme: DIEU.
L´éternel est écrit dans ce qui dure peu;
Toute l´immensité, sombre, bleue, étoilée,
Traverse l´humble fleur, du penseur contemplée;
On voit les champs, mais c´est de Dieu qu´on s´éblouit.
Le lys que tu comprends en toi s´épanouit;
Les roses que tu lis s´ajoutent à ton âme.
Les fleurs chastes, d´où sort une invisible flamme,
Sont les conseils que Dieu sème sur le chemin;
C´est l´âme qui les doit cueillir, et non la main.

Ainsi tu fais; aussi l´aube est sur ton front sombre;
Aussi tu deviens bon, juste et sage; et dans l´ombre
Tu reprends la candeur sublime du berceau.
Je répondis: Hélas! tu te trompes, oiseau.
Ma chair, faite de cendre, à chaque instant succombe;
Mon âme ne sera blanche que dans la tombe;
Car l´homme, quoi qu´il fasse, est aveugle ou méchant.
Et je continuai la lecture du champ.

Juillet 1833.