Il est dans l´atrium, le beau rouet d´ivoire. La roue agile est blanche, et la quenouille est noire; La quenouille est d´ébène incrusté de lapis. Il est dans l´atrium sur un riche tapis.
Un ouvrier d´Égine a sculpté sur la plinthe Europe, dont un dieu n´écoute pas la plainte. Le taureau blanc l´emporte. Europe, sans espoir, Crie, et baissant les yeux, s´épouvante de voir L´Océan monstrueux qui baise ses pieds roses.
Des aiguilles, du fil, des boîtes demi-closes, Les laines de Milet, peintes de pourpre et d´or, Emplissent un panier près du rouet qui dort.
Cependant, odieux, effroyables, énormes, Dans le fond du palais, vingt fantômes difformes, Vingt monstres tout sanglants, qu´on ne voit qu´à demi, Errent en foule autour du rouet endormi: Le lion néméen, l´hydre affreuse de Lerne,
Cacus, le noir brigand de la noire caverne, Le triple Géryon, et les typhons des eaux, Qui, le soir, à grand bruit, soufflent dans les roseaux; De la massue au front tous ont l´empreinte horrible; Et tous, sans approcher, rôdant d´un air terrible, Sur le rouet, où pend un fil souple et lié, Fixent de loin, dans l´ombre, un oeil humilié.