💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Victor Hugo
Titre : Les Trois Chevaux
Trois chevaux, qu´on avait attachés au même arbre,
Causaient.

L´un, coureur leste à la croupe de marbre,

Valait cent mille francs, était vainqueur d´Epsom,
Et, tout harnaché d´or, s´écriait : sum qui sum !
Cela parle latin, les bêtes. Des mains blanches
Cent fois de ce pur-sang avaient flatté les hanches,
Et souvent il avait, dans le turf ébloui,
Senti courir les coeurs des femmes après lui.
De là bien des succès à son propriétaire.
Le second quadrupède était un militaire,
Un dada formidable, une brute d´acier,
Un cheval que Racine eût appelé coursier.
Il se dressait, bridé, superbe, ivre de joie,
D´autant plus triomphant qu´il avait l´oeil d´une oie.
Sur sa housse on lisait : Essling, Ulm, Iéna.
Il avait la fierté massive que l´on a

Lorsqu´on est orgueilleux de tout ce qu´on ignore ;
Son caparaçon fauve était riche et sonore
Il piaffait, il semblait écouter le tambour.

Et le troisième était un cheval de labour.
Un bât de corde au cou, c´était là sa toilette.
Triste bête ! on croyait voir marcher un squelette,
Ayant assez de peau sous la bise et le vent
Pour faire un peu l´effet d´un être encor vivant.

Le beau cheval de luxe, espèce de jocrisse,
Disait :

Ici le pape, et là le baron Brisse ;

Pour l´estomac Brébant, pour l´âme Loyola ;
Etre béni, bien boire et bien manger, voilà
Ce que prêche mon maître ; et moi, roi de la joute,
J´estime que mon maître a raison, et j´ajoute
Que les cocottes font l´ornement du derby.
Il faut au peuple un dieu par les prêtres fourbi,
A nous une écurie en acajou, la bible
Pour l´homme, et des journaux, morbleu, le moins possible.
Le Jockey-Club veut mieux que l´esprit Légion.
Pas de société sans la religion.
Si je n´étais cheval, je voudrais être moine.
- Moi, je voudrais manger parfois un peu d´avoine
Et de foin, soupira le cheval paysan.
Je travaille beaucoup, et je suis, jugez-en
Par ma côte saignante et mon échine maigre,

Presque aussi mal traité que l´homme appelé nègre.
Compter les coups de fouet que je reçois serait
Compter combien d´oiseaux chantent dans la forêt ;
J´ai faim, j´ai soif, j´ai froid ; je ne suis pas féroce,
Mais je suis malheureux.

Ainsi parla la rosse.

Le cheval de bataille alors, plein de fureur,
Indigné, bien pensant, dit : Vive l´empereur !