J´avais douze ans; elle en avait bien seize. Elle était grande, et, moi, j´étais petit. Pour lui parler le soir plus à mon aise, Moi, j´attendais que sa mère sortit; Puis je venais m´asseoir près de sa chaise
Pour lui parler le soir plus à mon aise.
Que de printemps passés avec les fleurs! Que de feux morts, et que de tombes closes! Se souvient-on qu´il fut jadis des coeurs? Se souvient-on qu´il fut jadis des roses? Elle m´aimait. Je l´aimais. Nous étions Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons.
Dieu l´avait faite ange, fée et princesse. Comme elle était bien plus grande que moi, Je lui faisais des questions sans cesse Pour le plaisir de lui dire: Pourquoi? Et, par moments, elle évitait, craintive, Mon oeil rêveur qui la rendait pensive.
Puis j´étalais mon savoir enfantin, Mes jeux, la balle et la toupie agile;
J´étais tout fier d´apprendre le latin; Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile; Je bravais tout; rien ne me faisait mal; Je lui disais: Mon père est général.
Quoiqu´on soit femme, il faut parfois qu´on lise Dans le latin, qu´on épèle en rêvant; Pour lui traduire un verset, à l´église, Je me penchais sur son livre souvent. Un ange ouvrait sur nous son aile blanche Quand nous étions à vêpres le dimanche.
Elle disait de moi: C´est un enfant! Je l´appelais mademoiselle Lise; Pour lui traduire un psaume, bien souvent, Je me penchais sur son livre à l´église; Si bien qu´un jour, vous le vîtes, mon Dieu! Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu.
Jeunes amours, si vite épanouies, Vous êtes l´aube et le matin du coeur. Charmez l´enfant, extases inouïes! Et, quand le soir vient avec la douleur, Charmez encor nos âmes éblouies, Jeunes amours, si vite évanouies!