đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Victor Hugo
Titre : Ultima verba
La conscience humaine est morte ; dans lÂŽorgie,
Sur elle il sÂŽaccroupit ; ce cadavre lui plaĂźt ;
Par moments, gai, vainqueur, la prunelle rougie,
Il se retourne et donne Ă  la morte un soufflet.

La prostitution du juge est la ressource.
Les prĂȘtres font frĂ©mir lÂŽhonnĂȘte homme Ă©perdu ;
Dans le champ du potier ils déterrent la bourse ;
Sibour revend le Dieu que Judas a vendu.

Ils disent : César rÚgne, et le Dieu des armées
LŽa fait son élu. Peuple, obéis, tu le dois ! -
Pendant quŽils vont chantant, tenant leurs mains fermées,
On voit le sequin dÂŽor qui passe entre leurs doigts.

Oh ! tant quÂŽon le verra trĂŽner, ce gueux, ce prince,
Par le pape béni, monarque malandrin,

Dans une main le sceptre et dans lÂŽautre la pince,
Charlemagne taillé par Satan dans Mandrin ;

Tant quÂŽil se vautrera, broyant dans ses mĂąchoires
Le serment, la vertu, lÂŽhonneur religieux,
Ivre, affreux, vomissant sa honte sur nos gloires ;
Tant quÂŽon verra cela sous le soleil des cieux ;

Quand mĂȘme grandirait lÂŽabjection publique
A ce point dŽadorer lŽexécrable trompeur ;
Quand mĂȘme lÂŽAngleterre et mĂȘme lÂŽAmĂ©rique
Diraient à lŽexilé : Va-tŽen ! nous avons peur !

Quand mĂȘme nous serions comme la feuille morte ;

Quand, pour plaire à César, on nous renßrait tous ;
Quand le proscrit devrait sÂŽenfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;

Quand le dĂ©sert, oĂč Dieu contre lÂŽhomme proteste
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand mĂȘme, infĂąme aussi, lĂąche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;

Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au coeur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,

Patrie, Î mon autel ! Liberté, mon drapeau !

Mes nobles compagnons, je garde votre culte
Bannis, la république est là qui nous unit.
JÂŽattacherai la gloire Ă  tout ce quÂŽon insulte
Je jetterai lŽopprobre à tout ce quŽon bénit !

Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.

Devant les trahisons et les tĂȘtes courbĂ©es,
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier dÂŽairain !

Oui, tant quÂŽil sera lĂ , quÂŽon cĂšde ou quÂŽon persiste,
Ô France ! France aimĂ©e et qu’on pleure toujours,
Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,
Tombeau de mes aĂŻeux et nid de mes amours !

Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,
France ! hors le devoir, hĂ©las ! j’oublĂźrai tout.
Parmi les éprouvés je planterai ma tente.
Je resterai proscrit, voulant rester debout.

J’accepte l’ñpre exil, n’eĂ»t-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu’un a pliĂ© qu’on aurait cru plus ferme,

Et si plusieurs s’en vont qui devraient demeurer.

Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si mĂȘme
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixiùme ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !

2 décembre 1852. Jersey.