Vois-tu mon vieux Jean-Louis, J´ai comme des langueurs. C´est semblable à des cris, ça vient de l´intérieur. ça me déchire un peu,
jusque dans les artères, Comme ce vin trop vieux, Qu´t´aurais laissé ouvert. Ce monde-là m´écoeure. Regarde-les, nos chefs, Qui font pousser des fleurs au bord des SDF On les emmerde tous, sers-moi n´importe quoi, j´m´en fous ! Pourvu qu´ça mousse, et toi, qu´est ce que tu bois ?
S´ils nous prennent pour des cons, Ne fait-on pas tout pour ? Y´a plus d´révolutions mais y´a toujours une cour. Ils nous fliquent, ils nous guettent, Nous brident et nous contemplent. Moi j´veux bien être honnête, mais je manque d´exemple.
Ils n´en ont pas fini de nous laisser pour dupes. Pratiquant l´alchimie, celle du parachute. Pendant qu´on se bat pour, ramasser quelques miettes, Ces coqs de basse-cour, enfoirés, nous raquettent.
On parle, on parle mais il se fait tard, C´est bientôt la fin du monde et j´ai plus rien à boire.
Ce monde nous échappe On n´est plus que des cons, À passer à la trappe, Celle des générations. Je regarde mon ombre, Elle ne me ressemble pas.
Elle est plus grande que moi, Tiendra-t-elle dans ma tombe ?
En attendant ce jour, Qui s´ra peut être une nuit, J´voudrais un peu l´amour D´une femme jolie Qui oublierait mon âge Et serait amoureuse, Enfin, même de passage, Que je rendrais heureuse. Je voudrais de son corps, parcourir les silences, Ne faire en m´approchant pas plus de bruit qu´une ombre, Qu´elle m´ouvre les bras et accepte la danse, D´un sourire éclairant son visage trop sombre.
Vois-tu ? J´ai mal aimé, Tu vois, j´ai mal au corps. Et j´en ai mal encore tellement j´ai mal aimé. Mais j´en ai vu passer, des pachydermes roses; Bien plus souvent, c´est vrai, Que j´l´ai cueillie... la rose.
On parle, on parle mais il se fait tard, C´est bientôt la fin du monde et j´ai plus rien à boire.
Je me sens tellement seul, Que j´en ai le vertige. Je sais, je suis pas l´seul, Mais toi, au moins, tu piges. De cette solitude, j´ai fait mon ordinaire. Pour prendre l´habitude
J´ai laissé le temps faire.
Tu vois, mon vieux Jean-Louis, Là-haut la lune est pleine. Je sens bien qu´moi aussi, Mais j´ai tellement de peine. Boire, ça réchauffe le coeur, Même si ça nique le foie. Pour sortir d´la torpeur Que veux tu, je bois.
Allez mon vieux Jean-Louis, Sers m´en donc une dernière, Je m´sens un peu aigri, Pour tout dire, j´suis amer. Nos vies se recroquevillent, Il va falloir s´y faire, Le monde part en vrille,
Mais qu´il aille donc se faire...
On parle, on parle mais il se fait tard, C´est bientôt la fin du monde et j´ai plus rien à boire...